LA VOCATION ÉLEUSINIENNE DE NERVAL

Résumé

Persuadé de la vocation profondément et largement « spirituelle » de Gérard de Nerval, nous pensons que le Père Jean Guillaume n’aurait pas désavoué une recherche qui conduit certes hors des sentiers battus de l’orthodoxie chrétienne mais ramène au giron du mysticisme grec, là où peut-être des rencontres sont possibles avec d’autres mysticismes et où la poétique, qu’elle s’exprime en vers ou en prose, a des chances de trouver son compte. Un article récent et bien étayé de M. Hishashi Mizuno a relancé notre intérêt pour un sujet qui nous tient à cœur, sous le titre : « J’ai mangé du tambour et bu de la cymbale ». Plus lointainement, un très ancien jugement d’Albert Thibaudet non seulement a toujours retenu notre attention, mais nous a semblé d’une grande justesse, lorsqu’il fait des Chimères « l’épi éleusinien de la poésie française ». Dans l’appréciation de cette formule il faut aller au-delà du sens métaphorique et ne pas en rester aux Chimères. Peut-être y a-t-il un vrai rapprochement à tenter entre « l’expérience du sacré », selon l’expression de W. Burkert, que constituè- rent, sur plus d’un millénaire, les mystères d’Éleusis et ce qu’on peut appeler, à l’échelle d’une vie et d’une œuvre, la vocation éleusinienne de Nerval. Celui-ci, à l’évidence, n’a pas parlé d’Éleusis autant que d’Isis, mais les quelques « traces » (« seules les traces font rêver », selon R. Char) qu’il en a laissées méritent d’être interrogées. À partir de là, c’est du mysticisme éleusinien au mysticisme nervalien que seront lancées des « cordes » ou des « passerelles », pour parler comme le Rimbaud des Illuminations, avant de retrouver dans la poétique les correspondances possibles sur lesquelles Thibaudet nous a alerté.