Faut-il repenser l’Antiquité, entre Orient et Occident ? (Au sujet de Jack GOODY, The Theft of History, Cambridge, University Press, 2006)
Résumé
La thèse de ce livre est énoncée dès la première ligne : The ‘theft of history’ of the title refers to the take-over of history by the west (p. 1). Le passé a été, selon le grand anthropologue britannique – déjà auteur de The East in the West, paru en 1996, où il développait des thèses analogues– confisqué par les Occidentaux, qui l’ont conceptualisé et périodisé en recourant à des paramètres prétendument propres à l’Europe. Cette grille de lecture une fois établie par et pour les historiens occidentaux, ceux-ci l’auraient ensuite imposée au reste du monde, passé et présent. Selon J.Goody, les schémas interprétatifs de l’historiographie occidentale reposent, en particulier, sur un présupposé aussi fondamental qu’erroné, à savoir que l’Occident aurait été le berceau et l’artisan d’une série de manifestations historiques (des soi-disant « inventions » ou « découvertes ») déterminantes pour le devenir du monde, comme la démocratie et la liberté, le capitalisme, l’individualisme et les émotions (y compris l’amour). Or, entend démontrer J. Goody, une telle primauté est loin d’être démontrée ; elle relève même du « hold-up » historiographique. Il est donc, à son avis, grand temps de dénoncer ce méfait et de déconstruire les interprétations européanocentristes, afin de rééquilibrer la lecture de l’histoire universelle en rendant à l’Orient ce qui lui revient. Car, loin d’être une région du globe attardée ou réfractaire aux changements, l’Orient au sens large a, à l’inverse, été un moteur de l’histoire tout à fait essentiel. Même s’il entend nous (= les Occidentaux) faire réfléchir sur une série de présupposés épistémologiques discutables – ce qui est parfaitement louable –, J. Goody ne propose pas véritablement d’alternative crédible aux yeux des historiens. On a plutôt la sensation qu’en Robin Hood de l’historiographie, il entend simplement rendre aux Orientaux volés ce dont ils ont été spoliés.
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