LE MODÈLE ROMAIN, OBSTACLE À LA COMPRÉHENSION DU MONDE BARBARE : l’exemple des peuples hispaniques chez Tite-Live

Résumé

Les textes antiques ont coutume d’opposer les Romains et les barbares en mettant en avant la capacité des premiers à l’ordre et à la discipline, tandis que les seconds apparaissent incapables de s’y astreindre. Les peuples hispaniques tels que les décrit Tite-Live correspondent en général à cette vision, et sont fréquemment associés par lui au désordre. Il convient de s’interroger sur cette notion de désordre et de se demander si ce terme n’est pas avant tout représentatif des préjugés des Romains envers ceux qu’ils considèrent comme barbares et d’une mauvaise compréhension par eux d’un autre choix tactique. De même, la littérature antique gréco-romaine a pour habitude d’opposer la fides des peuples civilisés à la déloyauté des barbares. Les peuples d’Hispanie contribuent à conforter cette idée en violant les traités à peine conclus. Cependant, si nous reprenons tous les exemples cités par Tite-Live, nous constatons une relation étroite entre chaque défection des peuples hispaniques et le départ du général romain ou carthaginois auquel ils ont juré fidélité, ce qui incite à se demander si chacun des adversaires accorde le même sens au pacte conclu, si la fidélité de ces barbares n’est pas fondée sur la présence du chef et si l’historien, prisonnier d’un modèle interprétatif romain, en a bien compris la portée.