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DANS LES PAS DE L’AÈDE ÉPIQUE

Daniel Donnet

Résumé


C’est enfoncer une porte cochère grand ouverte que de louer le rôle de Milman Parry dans la prise de conscience du caractère formulaire des Poèmes homériques et d’évoquer la fécondité de ses travaux, qui ont, de plus, par ricochet, ouvert des horizons vers d’autres productions et vers d’autres cultures. Ce n’était d’ailleurs là que creuser le sillon tracé dès le départ par notre pionnier. Au sein des débats suscités par son œuvre, les confrontations n’ont pas manqué, qui visaient notamment la définition de la formule, sa perception et son traitement. On peut notamment dire que tous les ingrédients de la définition (régulièrement utilisée / mêmes conditions métriques / idée essentielle) ont prêté le flanc à des discussions parfois très serrées. Par ailleurs, le status quaestionis révèle aussi que l’on s’est attaché soit à mettre en valeur les performances de style, soit à suivre la trace de telle ou telle formule, soit à en démasquer le substrat dialectal, aux dépens, souvent, de la vue d’ensemble. Sans minimiser, loin de là, l’apport de tels échanges à l’enrichissement de la théorie littéraire, nous voudrions aborder la technique formulaire par d’autres cheminements. Puisque l’on reconnaît le rôle qu’a dû jouer « le groupe constitué autour d’un maître éminent par des disciples qui [...] recevaient son enseignement et se voulaient ses émules », nous allons essentiellement scruter quelques modalités du déploiement de la matière épique avec, en toile de fond, cette lancinante question : que peut nous révéler le texte des Poèmes homériques sur l’apprentissage des aèdes au sein des homérides ? Quel pouvait être, au niveau de la forme, le programme de leur initiation avant qu’ils fussent à même de prendre leur envol et de broder eux-mêmes sur les matières épiques ? Cet angle d’approche pourra nous livrer une image plus familière, plus concrète, de la composition qualifiée de formulaire.Et nous terminerons par un appendice qui prend pour appui le constat suivant : un survol, même sommaire, des études homériques stimulées par Milman Parry met en évidence un effet d’amplification que l’on pourrait crayonner comme suit : d’une perception de la technique formulaire tout d’abord circonscrite aux désignations « d’état civil » ou qualitatives, concernant les héros, et aux expressions verbales introduisant leurs inter- ventions (discours, réparties, réponses...) ou évoquant leurs activités caractéristiques, on en est arrivé progressivement à une prise en compte de multiples autres éléments. C’est que, à côté de formules au sens strict, existent de très nombreux « raccords » métriquement figés, voire à place fixe, qu’il y a aussi pleine abondance de clausules récurrentes, que des vers entiers, sans être des formules, se voient répétés sans vergogne, tels quels ou légèrement modifiés, et que l’on observe des automatismes dans la localisation de certains termes. Tout ce matériel, gouverné par le principe de la répétition, participe aussi de la tendance formulaire de la littérature épique. Nous l’avons jadis illustré pour le Nalopakhyânam, un épisode de l’épopée sanskrite Mahâbhârata. Nous avons aussi procédé de première main à une dissection de portions importantes de l’Iliade et de l’Odyssée, et nous en rendrons compte.


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