ENTRE L’EST ET L’OUEST, À MIDI. Structures spatio-temporelles de l’île de Circé

Résumé

Ulysse subit autant d’épreuves qu’il effectue d’étapes à travers la mer, c’est là le principe inhérent à son « odyssée ». Son parcours est interrompu par des tempêtes suivies de naufrages – les moyens les plus conventionnels – ou par d’autres dysfonctionnements, météorologiques ou cosmologiques, tel l’embrouillage des points cardinaux dans l’île de Circé que nous tentons d’appréhender dans cet article, en prenant appui sur l’île de Circé elle-même, savamment structurée du point de vue spatial. En bonne logique narrative homérique, l’agencement des éléments spatiaux obéit aux exigences du récit et, inversement, toute incohérence dans le registre spatio- temporel trouve son explication dans l’enchaînement dramatique. À bien y regarder, l’épisode préliminaire de la chasse du cerf (Od., X, 159-171), est trop détaillé pour qu’il ne joue un rôle moteur significatif dans l’économie du récit. C’est cette « digression narrative » qui fera donc l’objet d’une relecture attentive tant du point de vue des structures spatiales qui la sous-tendent que de celui des valeurs temporelles qui en découlent. On retrouve par là le motif de « l’heure de midi », point spatio- temporel dans le circuit solaire où levant et couchant, est et ouest, se confondent et s’assimilent pour un instant l’un à l’autre. On retrouverait par là, dans les poèmes homériques, quelques récurrences qui témoignent de l’existence d’un symbolisme in nuce associé à midi, même si cette heure redoutable n’atteint pas le statut de « l’heure religieuse par excellence » (selon l’expression de Roger Caillois) qui se développe dans la tradition post-homérique.